e vieillissement cognitif normal s’accompagne de difficultés mnésiques (e.g., Park & Festini, 2017), plus particulièrement pour l’encodage et la récupération de souvenirs spécifiques (pour une revue, voir Harada, Natelson Love, & Triebel, 2013). Certains auteurs proposent que ces difficultés proviennent d’une atteinte de la capacité à discriminer une trace mnésique parmi d’autres (Holden & Gilbert, 2012; Vallet, 2015). Ainsi, les personnes âgées semblent particulièrement sensibles aux leurres visuo-perceptifs (pour une revue, voir Stark, Stevenson, Wu, Rutledge, & Stark, 2015). Les capacités de discrimination des leurres perceptifs seraient principalement associées à l’hippocampe (Yassa, Mattfeld, Stark, & Stark, 2011) et au cortex préfrontal (Pidgeon & Morcom, 2016).
Or, il semble que la production des facteurs neurotrophiques, au niveau de l’hippocampe, essentiels à la consolidation des traces mnésiques permettant leur discrimination (Bekinschtein et al., 2013) dépend en partie de l’activité du nerf vague (O’Leary et al., 2018). L’activité vagale a un rôle déterminant dans le fonctionnement de la branche parasympathique (associée à l’économie d’énergie, digestion, la relaxation…) du système nerveux autonome (SNA). Elle est souvent mesurée par des indices de la variabilité du rythme cardiaque et serait susceptible d’influencer le traitement cognitif (Thayer, Hansen, Saus-Rose, & Johnsen, 2009) et notamment la mémoire (Forte, Favieri, & Casagrande, 2019). Par exemple, une récente étude montre que le tonus vagal serait associé à une amélioration de la discrimination de faux souvenirs chez de jeunes adultes (Feeling et al., 2021).
Le vieillissement serait possiblement associé à une altération du fonctionnement parasympathique (Geovanini et al., 2020). Les personnes âgés pourraient alors ne plus bénéficier autant des effets du tonus vagal sur les performances mnésiques. Nous faisons alors l’hypothèse que le tonus vagal favorise une réduction des fausses reconnaissances. Afin de tester une possible interaction entre l’activité vagale et l’âge, la performance de personnes jeunes et âgées sera comparée sur une tâche de fausse reconnaissance avec des leurres visuo-perceptifs.
Pour cette étude, 26 jeunes et 21 personnes âgées, portant une montre mesurant le rythme cardiaque, ont complété des questionnaires afin de contrôler différentes variables de santé pouvant influencer le fonctionnement cardiovasculaire ou la cognition. Ensuite, ils ont réalisé une tâche de fausses reconnaissances composée de deux phases : une d’apprentissage (les participants mémorisaient des images en noir et blanc d’objets) et une phase de reconnaissance (ancien/nouveau) durant laquelle des leurres perceptifs étaient présentés (items très similaires à des cibles apprises, mais se différenciant par une seule caractéristique comme l’orientation) ou des leurres plus éloignés des cibles.
Comme attendu, une interaction entre l’âge (jeunes vs âgés) et l’activité vagale (élevée vs faible suite à un median split) explique une part de variance significative du taux de bonnes réponses, F(1, 45) = 4.13, p < .05, η̂²G = .08. Plus précisément, les jeunes ont une meilleure performance quand leur activité vagale est élevée (t(45) = 2.29, p = .03) alors que le niveau d’activité vagale n’a pas d’influence chez les personnes âgées sur la reconnaissance des leurres. Ces effets ne sont pas retrouvé pour les cibles ou les autres type de distracteurs.
Il semble donc que le fonctionnement parasympathique bénéficie la discrimination de leurres perceptifs uniquement chez les jeunes. Sur le plan fondamental, ces résultats permettent de mieux comprendre les possibles déterminants physiologiques du vieillissement cognitif. Des interventions améliorant les capacités intéroceptives (d’intégration des signaux physiologiques dans le système cognitif) réduites avec l’âge (Murphy, Geary, Millgate, Catmur, & Bird, 2018) pourraient rétablir les bénéfices de l’activité vagale sur la mémoire et participer à tendre vers un vieillissement réussi.